Aujourd’hui débute le 22ème festival international du théâtre de rue dans la ville d’Aurillac, capitale de la Haute Auvergne.
Par malchance, mon séjour là-bas s’est déroulé juste avant le début des festivités, mais il m’est arrivé il y a quelques années d’y assister, ce qui a été une expérience irremplaçable.
Par un coup de baguette magique, cette petite ville pacifique perdue au milieu du massif central, où l’on peut voir le début des montagnes à l’horizon tout en étant dans le centre ville, se trouve tout à coup métamorphosée.
En effet, il y a tout d’abord les spectacles, qui, bien que particulièrement originaux et décalés, n’en sont pas moins intéressants. Des troupes « officielles » côtoient les troupes de passage, et tout ce petit monde créatif prouve à tous les coins de rue que l’imagination n’est pas un vain mot dans le milieu du spectacle. Voilà un premier point pour lequel ce festival vaut le déplacement.
Comme son nom l’indique, le spectacle est vraiment partout dans la rue. Cependant, contre toute attente, je dois bien avouer qu’il se situe aussi largement au niveau du public.
Car, à cette occasion, arrivent des quatre coins de la France tout un tas de badauds souvent encore plus colorés que les artistes eux-mêmes.
En dehors des touristes qui passaient par là et qui ont été appâtés par la réputation grandissante du festival, on voit débarquer tout un tas de bobos culturisants et de marginaux du meilleur cru « tapacenballes ».
Les pires étant, bien entendu, les margibos, qui parfois se payent même le culot d’afficher crânement à côté de leur petite écuelle destinée à recueillir les piécettes de ceux qui pourraient avoir pitié (ben oui, plus pitoyable, t'es mort, en fait…), un petit écriteau annonçant clairement « Pour les putes et la drogue ».
Autant être informé de suite, hein ! … On pourrait même leur donner cinq euros rien que pour leur franchise (allez, cinq centimes…).
Ce n’est quand même pas si souvent que ça que l’on sait ou va notre argent… quoique, il m’a quand même semblé que ceux–là étaient en train de picoler, ce qui n’était pas marqué.
Ayant un peu côtoyé ce petit monde anticonformiste dans ma jeunesse éclatante, je ne suis pas étonnée de les voir se donner tant de mal pour venir se plonger dans la chaude ambiance du festival. C’est, comme dans tous les milieux, une question de codes et de culture de groupe (que l’on peut parfois aussi appeler sectarisme).
Ils ont les mêmes attitudes, les mêmes fringues, les mêmes dreads, les mêmes Rangers, les mêmes bouteilles, les mêmes chiens, les mêmes puces, etc…Comme quoi, la vrai marginalité est peut-être de n’appartenir à aucun groupe où l’on est obligé d’afficher des comportements particuliers pour se faire identifier.
Mais on leur pardonne, ils ont fait tant de kilomètres pour être là, d’autant plus qu’ils vont passer tout le temps du festival avachis sur les trottoirs à cuver leur kiravi (à consommer avec modération, ou alors directement mélangé à du Gaviscon) et qu’ils vont louper tous les spectacles. Tout au plus, ils trouveront une auvergnate octogénaire à traiter de salope pour se défouler si elle a le malheur de leur refuser l’aumône. Ca valait bien la peine, tiens !
Car c’est là également que cette manifestation est un régal pour le visiteur qui peut observer d’un œil attentif et amusé la confrontation entre tous ces nouveaux arrivants épiques et la population locale (bien que celle-ci, depuis plus de deux décennies qu’a lieu ce festival, en a pris son parti et attend placidement que cela se finisse, tout en lançant quelques regards méfiants par-dessous les casquettes à carreaux).
En effet, durant cette période, la plupart des magasins sont fermés, le square verrouillé, les boîtes aux lettres condamnés et je me demande même si les cabines téléphoniques fonctionnent.
Somme toute, une sacrée opération pour le commerce local, genre disparition totale de toute activité… de la prestidigitation de haut niveau !
D’ailleurs même les lapins ne sortent plus des chapeaux, depuis que les cygnes du square ont été occis, il y a quelques années, par les festivaliers affamés.
Il y a même de fortes chances pour que la majorité des aurillacois évitent méticuleusement le centre ville pendant quelques jours, sans compter ceux qui ont fait provision d’huile et de farine pour se cloîtrer au fond de leur cave, qui, comme on le sait, est bien achalandée. Ne nous inquiétons donc pas pour eux.
Mais voilà, l’art et les affaires, ça ne va pas toujours ensemble.
Les bougres chevelus, je les ai vus commencer à arriver la semaine dernière (Ils n’ont pas changés… et non, je n’ai pas de petite pièce…), plantant leurs tentes sur les berges de la Jordanne. Les places doivent d’ailleurs toutes être prises à ce jour et les retardataires n’ont sûrement plus qu’à monter leur guitoune directement sur les trottoirs, ce qui est bien moins commode (les sardines sur le goudron, ça le fait pas…) et surtout moins confortable.
Ils repartiront la semaine prochaine laissant la vie de cette petite bourgade reprendre son cours normal. Mais moi, je regretterai de ne pas y être, ne serait-ce que pour les photos…
On y accède par une petite route sinueuse qui traverse parfois des forets épaisses et peuplées de farfadets, et qui mène au col du Pas de Peyrol, où la vue est déjà très belle.
Ensuite, si l’on veut atteindre le sommet, c’est à pied qu’il faut courageusement se lancer, sur un chemin aménagé en escalier par des personnes qui avaient surement des tibias d’une longueur bien supérieure à la moyenne.
Bon, vous en avez peut être assez de voir la mer…
Il me reste encore beaucoup de photos (certainement des centaines) mais on va revenir un peu dans le pays, pour changer.
Avant de partir en vacances, j’avais pris la photo d’une croix que j’aimais bien.
Pas que je sois particulièrement sensible au symbole, vu que c’est quand même un instrument de torture. Mais j’aimais bien son environnement, la perspective et la profondeur de la vue lorsqu’on arrive au croisement, face à la croix, même si elle n'a rien d'exceptionnel (si ce n'est la quantité de taches de mousses et lichens).
Et puis il faut bien le dire, ces croix situées à la rencontre des routes ont quand même guidés les gens pendant des siècles, et grâce à elles beaucoup de badauds ne se sont pas égarés. Il se peut même que l’effet spirituel ait été un peu similaire quelque part, il faut bien le reconnaître… malgré tout.
Bon, maintenant, avec le GPS, c’est plus pareil…
Lorsque je suis rentrée, en passant par hasard au même endroit, voilà ce que j’ai vu…Rien n’est éternel en ce bas monde…